Premier épisode de la saga SafeBrands
SafeBrands fête cette année ses 25 ans d’existence. Un quart de siècle ! Sur la planète Internet, ça s’appelle presque un dinosaure. Ca méritait bien un coup d’œil dans le rétroviseur, une petite rétrospective de cette aventure lancée par Charles Tiné et Frédéric Guillemaut, en 1997. Une aventure que nous avions envie de revivre avec vous tout au long de cette année 2022. Pour le plaisir, et pour vous remercier. Clients de la première heure, et ceux qui nous ont rejoints depuis, partenaires de tous horizons, et bien sûr vous, les SafeBrands girls and boys, qui avez connu les débuts approximatifs, et la longue route vers le succès.
Régulièrement, nous vous proposerons, d’ici la fin de l’année, plusieurs épisodes retraçant notre modeste saga.
Replongeons-nous d’abord un instant dans cette époque lointaine : 1997, la Préhistoire… Les Français pensent encore que, face au minitel, l’ordinateur ne fera jamais le poids. Mal inspirés, il faut le dire par France Télécom, qui n’en démord pas : c’est nous les plus forts. Le lobbying fonctionne à plein régime. Internet, oulala, ça fait peur, il n’y a aucune sécurité, vous êtes en danger ! La France ne compte à ce moment-là que 30.000 abonnés.
Ailleurs, loin des œillères françaises, le monde commence à se mettre en ordre de bataille. Les Américains évidemment, mais aussi les pays scandinaves. Les Français eux, continuent à faire leurs achats sur 36.15 La Redoute et les Parisiens cranent encore avec leurs vieux BiBop. Paradoxalement, il faut le reconnaître, nous étions en avance sur certaines choses, mais totalement fermés sur la révolution qui se profilait.
Une révolution que le jeune Charles Tiné, a vu venir un peu avant les autres. Chez JP Morgan, où il travaillait alors, le courrier électronique était déjà utilisé en interne, sur les marchés financiers, depuis 1993. La banque américaine commençait même à l’utiliser en B to B avec certains clients. C’était le début de la fin de l’ère des fax.
A Paris, Charles, s’ennuie dans la finance. Son travail est apprécié, mais sa motivation s’effrite. Last in, first out. Arrivé à 9 heures, parti à 17H, alors que tous les autres étaient là dès 8 heures pour le sacro-saint « morning meeting » et restaient souvent très tard. Un jour, il va voir son boss et lui dit : « Je m’en vais, j’ai envie de voir ce que je vaux dans la vraie vie ». En tête, une idée fixe : monter SA boite. Si possible… tant qu’à faire… au soleil. Ses amis le prennent pour un doux rêveur : abandonner un job confortable et lucratif, et quitter Paris, la ville du business !
Qu’à cela ne tienne. Direction le Sud. En décembre 1995, Charles créé le tout premier réseau social « le Pari de Marseille », qui recevra en 1996 le Web d’or des Associations (la plus grande compétition internationale des sites de l’Internet francophone). Le « Pari de Marseille » avait pour vocation de rapprocher les nombreux Marseillais « exilés » à Paris, San Francisco ou Tokyo. Charles publie également l’un des premiers journaux sur internet, version digitale du journal local marseillais « l’Eveil Hebdo ».
Il se lance aussi en solo, dans la création d’une entreprise qu’il appellera « Planète Marseille », dont l’objectif est de faciliter l’utilisation d’Internet à des milliers de personnes à travers le monde. Son produit phare : MailClub est un service de redirection d’adresses de courriers électroniques. Son ambition : remplacer les adresses offertes par les fournisseurs d’accès (free, wanadoo, aol, etc…) par des adresses identifiantes, à travers des noms de domaines génériques, liés, par exemple, à des professions. L’idée était de pallier la problématique du changement de fournisseurs d’accès, et d’éviter d’avoir, à chaque fois, à prévenir tous ses correspondants pour les informer qu’on a changé d’adresse.
Un service facturé 99 francs par an, hors taxe. Une misère, sachant qu’il fallait souvent des heures pour convaincre un seul client. Et réussir d’abord à lui expliquer ce qu’était une adresse mail, et à quoi ce service allait lui être utile, en prévision de choses qui allaient changer à l’avenir. Autant dire qu’il fallait sortir les rames, et que la rentabilité n’était pas au rendez-vous : 3.000 francs la première année de chiffre d’affaires…
Charles s’accroche. Il retrouve dans Internet ce qu’il avait aimé à ses débuts dans la finance. Cette feuille blanche sur laquelle il y a tout à écrire, avec des gens de tous horizons. C’est à ce moment-là qu’il rencontre Frédéric Guillemaut, l’un de ses tous premiers clients.
Sur le papier, beaucoup de choses les opposent. Le Parisien et le Provincial d’abord. Des parcours différents aussi. Passés par Londres tous les deux, même si Frédéric a davantage fréquenté les salles de concerts que les salles de marchés. Entre eux la connexion s’opère. Pas du premier coup, mais du deuxième. Car ces deux-là sont complémentaires.
Frédéric connait bien la vente par correspondance ; ça peut servir. Il s’y est frotté lors d’un stage dans un magasin de disques, avant, lui aussi, de se lancer dans la création d’entreprise : vente et distribution de disques. Pas facile. Pas beaucoup d’argent. Un modem, plutôt qu’un fax, parce que c’est moins cher. Un premier abonnement Internet, puis la création d’un site et d’un deuxième. Confidentiels. Le catalogue papier tient encore la corde. Il n’a jamais oublié son premier client : un Finlandais qui lui envoie des francs, par courrier contre un vinyle. L’activité finit par décoller tout doucement, en 1996. Imaginez plutôt : 10 ventes par mois ! Quand la FNAC se lance à son tour, la petite entreprise de Frédéric réalise plus de ventes qu’elle ! Pendant un mois seulement…
Il lui faut alors des adresses, plus pratiques pour ses clients. Il entend parler de MailClub, dont il devient revendeur. Sa vie privée le conduit à Marseille. Il se dit qu’il est peut-être temps de trouver un « vrai » boulot et de gagner un peu d’argent.
La première rencontre a lieu chez un prestataire. Sans grand intérêt. Un mois plus tard, ces deux-là se retrouvent dans un bar. Ça aide pour nouer des liens. Ils parlent de leurs vies respectives et se disent que tant qu’à perdre de l’argent, autant partager l’aventure avec quelqu’un de sympa. Zéro divisé par deux, ça fait toujours zéro. C’est le seul moment dans la vie d’une boite où le partage ne pose pas de problème de trésorerie.
C’est à Aix en Provence que démarre vraiment l’aventure, chez un copain, éditeur de logiciels, qui leur prête un bureau, ou plutôt un cagibi, où étaient stockées des boites. Les deux compères réalisent rapidement qu’il faut passer à la vitesse supérieure. Ils multiplient les rendez-vous d’affaires et essayent de vendre leur concept, à Orange notamment, à Caramail, au Parisien Libéré, etc. Sans grand succès.
Ils comprennent qu’il va falloir davantage cibler. Pas très inspirés finalement par le courrier électronique, ils décident de basculer sur les noms de domaines. Network Solutions occupait alors le terrain pour les .com et avait le monopole, mais les règles étaient en train d’évoluer et la concurrence se positionnait.
Pour vendre des .com en direct, il était nécessaire d’avoir une accréditation qui coûtait trop cher pour les moyens du MailClub de l’époque, fournie par l’ICANN, l’ONU du nom de domaine. Ne pas l’obtenir représentait un handicap, en termes d’image en particulier. Ils décident d’alors d’obliquer vers autre chose : la possibilité d’enregistrer des adresses avec des extensions. La procédure pour obtenir ces accréditations est en effet beaucoup moins onéreuse, en particulier pour le .fr. Ils ont l’idée de lister les pays pour lesquels l’obtention d’accréditations était la plus abordable, comme la Belgique ou la Suisse par exemple. Petit à petit, ils remplissent leur « panier » et gagnent en légitimité.
Objectif suivant : cibler les grosses entreprises. Les concurrents sur cette cible n’étant pas légions, il y avait moyen de pratiquer des gammes de prix assez élevés. Tarifs que ne pouvaient pas s’offrir les plus petites entreprises. Mais pour justifier ces prix hauts de gamme, les deux chefs d’entreprise comprennent que leur plus-value doit être le service et la satisfaction du client. Un mot d’ordre qui va, par la suite, jalonner tout leur parcours et devenir, jusqu’à aujourd’hui, leur priorité.
Parmi les premiers grands comptes à leur faire confiance, Alcatel, Gaz de France, ou encore Marseille Provence Métropole, La Poste… Charles a du réseau. Ça aide. Un bon carnet d’adresse aussi, et une tchatche incomparable. Il est capable de passer des heures au téléphone pour convaincre.
Pour se faire connaître, ils vont également dans les salons. Un peu pieds-nickelés parfois, comme quand ils décident de fabriquer, eux-mêmes, pour leur stand, une borne interactive, avec des panneaux en aggloméré de 22. Elle pèse plusieurs dizaines de kilos. Pas d’autre solution pour la convoyer jusqu’à Paris que de l’arrimer sur le toit de la vieille 305 GT bleue de Charles. Frédéric et Mikael s’en chargent. Charles, malin, prend le train.
La veille au soir, quelqu’un avait eu la bonne idée de siphonner la voiture, occasionnant un trou dans l’une des durites. Ça commençait mal, mais ils arrivent à réparer, font le plein et prennent la route. Ils ne vont pas très loin. La jauge descend à une vitesse inhabituelle, le réservoir se vide. Une dépanneuse est appelée à la rescousse. Nouvelles réparations. Cette fois, ça marche. Ils arrivent épuisés à Paris, avec une borne qu’ils ne réussiront jamais à assembler !
C’est l’époque du système D, pour tout, tout le temps. Quand il faut aller chez un client, à Toulouse par exemple, on s’arrange pour trouver un copain qui connait quelqu’un qui peut nous héberger. Pas question de dormir à l’hôtel. Et parfois, pas question de dormir tout court.
En parallèle de leur activité, les compères continuent à faire quelques sites, et même du référencement. Il faut bien mettre un peu de beurre dans les épinards. Premières embauches. Après Mikael, Lionel, Sébastien et Marina notamment, rejoignent l’aventure.
Charles ne se paye toujours pas. Frédéric lui, touche le SMIC. C’est bien la peine d’avoir fait 5 ans d’études, lui dit sa mère ! Mais tous les deux y croient. Ça va marcher. Et ils ont raison.
Août 2000 : après un premier déménagement sur la zone d’activités des Milles à Aix en Provence, cette fois direction Marseille… De vrais bureaux avec la plage et le Vélodrome à 400 mètres. Autant dire le paradis !
On est en pleine bulle Internet. Tout le monde cherche à lever de l’argent pour tenter de devenir millionnaire. Eux, non. Ils continuent la chasse aux clients, sans relâche. L’activité commence à décoller. Doucement…
2002 : Fred devient associé. Ca y est, ça commence à ressembler à une vraie boite, avec des tickets resto, la grande fierté ! De 2, ils passent à 10. Le chiffre d’affaires progresse de 25% en moyenne par an.
Charles a une idée à la minute. Ca fuse en permanence ! Frédéric est plus cartésien. Les idées, c’est bien, mais à condition qu’elles soient réalisables. Il ne s’emballe pas, il analyse et il filtre le bon grain de l’ivraie. Le bon sens paysan.
Côté finances, c’est pas encore ça. Chaque euro remporté est une victoire. Frédéric file le samedi matin à la banque pour déposer les chèques et pouvoir payer le personnel. Il devient spécialiste dans l’obtention de délais. Il faut retarder les débits à tout prix, pour financer la croissance toujours plus forte, les embauches, les premiers serveurs, les accréditations… Car MailClub ne lève pas de fonds, et a choisi de choyer ses clients, et de les conquérir un par an, à la main, pour une meilleure relation !
Encore une fois, il faut remettre dans le contexte : c’est l’époque des refus de crédits et de découverts par les banques, sous prétexte qu’internet ça ne marchera pas et que c’est trop risqué.
Il faudra attendre 14 ans pour en finir avec la course à la trésorerie. 14 ans parfois rock’n’roll, mais ça… roulements de tambours… on vous en parlera au prochain numéro !
Rendez-vous début mai pour la suite de notre saga d’anniversaire !