Chers clients, chers collaborateurs, chers amis,

Nous voilà donc au terme de cette saga, imaginée à l’occasion de notre 25ème anniversaire. Nous avons été très heureux, et parfois un brin nostalgique, Charles Tiné et moi-même, d’aller piocher dans nos souvenirs afin de permettre la rédaction de ce récit qui nous tenait à cœur. 

Comme vous le savez, notre rapprochement avec CentralNic a coïncidé avec le départ de Charles, qui programmait depuis quelque temps déjà d’ouvrir une nouvelle page de sa vie et de s’envoler vers d’autres horizons. Sans lui l’aventure Planète Marseille, MailClub puis SafeBrands n’aurait sans doute jamais vu le jour ; en tout cas elle n’aurait pas eu la même saveur. 

Cette belle histoire entrepreneuriale, n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, mais nous a apporté de grandes satisfactions, comme nous l’avons relaté dans les épisodes précédents et, à l’heure du bilan, nous regardons dans le rétroviseur avec fierté.

Depuis janvier 2021 SafeBrands a officiellement rejoint CentralNic, groupe international, ce qui lui a permis d’élargir encore sa vision et ses ambitions. C’est l’histoire de ce rapprochement que nous allons vous raconter dans ce 6ème et dernier épisode. 

2017 : le marché est de plus en plus tendu, l’activité de SafeBrands sur un plateau, l’environnement concurrentiel complexe dans un marché en phase de maturité et, depuis quelque temps, Charles étudie la possibilité de s’adosser à un groupe international. Son ambition :  permettre à SafeBrands de prospérer, bien entendu, et d’apporter à son partenaire le savoir-faire de la petite entreprise marseillaise sur le marché français.

Pourquoi un groupe étranger ? Parce que Charles redoute qu’un français ne cherche qu’à simplement récupérer ses clients et à réduire la voilure en déconstruisant ce que Fred et lui avaient mis 25 ans à bâtir. Ils souhaitent que l’histoire continue. Vendre oui, mais pas à n’importe quel prix, financier et humain. Pas question de céder le bébé à un « prédateur ». 

CentralNic, groupe d’origine anglaise, côté en bourse à Londres, et qui regroupe plusieurs entreprises avec en tout environ 600 personnes, coche à peu près toutes les cases : les reins solides, une vision commune des produits et du service clients, et aucune pénétration sur le marché latin. 

Dès les premières approches, Ben Crawford, son PDG, comprend l’intérêt d’un tel rapprochement. SafeBrands a une technologie qui l’intéresse, un très beau portefeuille de clients et n’est ni trop gros (donc trop cher), ni trop petit. Pourtant il hésite. Frédéric et Charles comprennent que leurs atouts et leur image de gars sympas ne pèsent pas suffisamment dans la corbeille de la mariée. Il faut des garanties de sérieux, des bilans et des documents dans les règles de l’art, comme à la City, tout ce qu’ils ont toujours rechigné à faire. Ils s’attèlent donc à la tâche afin de rassurer leur prétendant. Poser dans un tableur le fruit des déductions de deux instincts complémentaires n’est pas chose simple.

Parallèlement, Charles met au point DNS Radar, prototype d’un produit de cybersécurité autour de la gestion technique des noms de domaine. Un atout et surtout la preuve que SafeBrands sait innover et a une vision. Ce produit pourrait d’ailleurs sans doute faire la différence avec leurs concurrents un jour. Qui sait ?

La négociation néanmoins prendra de longs mois, une pandémie mondiale s’étant invitée entre-temps. Elle reprend quand le climat redevient plus propice, mais les audits sont fastidieux, d’autant que la personne censée aider Frédéric pour les due diligence s’absente. Il doit se débrouiller tout seul, tout en continuant son job quotidien.

Quand les choses se débloquent enfin, Charles est confiant : CentralNic s’engage à s’appuyer sur les équipes de SafeBrands. La promesse est séduisante. Ils vont pouvoir se développer tout en gardant leur marque et en s’appuyant sur des synergies et sur le savoir-faire de leur nouveau partenaire britannique. Frédéric se réjouit : rejoindre la galaxie CentralNic c’est une garantie de ne plus avoir de problèmes de taille ni de trésorerie, et d’avoir à disposition des chefs de projets et des équipes de développement qui vont grandement faciliter le quotidien de l’équipe. 

Alors que les discussions sont déjà très avancées, conformément à la loi Hamon, Charles et Frédéric en informent les salariés (qui ont un droit de regard et peuvent préempter la vente). On est alors en octobre 2020, l’épidémie de coronavirus plane toujours, de nombreuses entreprises menacent de mettre la clé sous la porte, le marché est au plus mal (le CA de SafeBrands a baissé cette année-là, les grands comptes repoussant les dépenses tandis que les TPE investissent le web, en passant par d’autres type de registrars). Dans ce contexte, les salariés de SafeBrands sont finalement rassurés de savoir que leur activité est pérennisée.

Le deal est finalement conclu en janvier 2021. 

« Charles, ce jour-là, a su trouver les bons mots pour rassurer tout le monde » assure Frédéric. “Il a parlé avec son âme, c’était très touchant, très sensible et très humain”.

Mention spéciale également aux trois dirigeants de CentralNic qui, le jour de l’officialisation, ont tous les trois pris la parole en français, un vrai signe positif de la part d’une entreprise anglo-saxonne. Là encore tout s’est fait en visioconférence, au grand dam de Frédéric qui rêvait de célébrer ça en gentleman dans un club house à Londres avec cognac et cigares.

Cette transition francophone en douceur n’a pas empêché une certaine inquiétude, légitime, de la part de quelques collaborateurs : qu’est-ce qui va changer pour nous ? « Rien » leur répondait Frédéric : business as usual. Il a quand même fallu pour certains prendre des cours d’anglais, of course. SafeBrands a d’ailleurs été le premier à en faire la demande. Aujourd’hui ces cours sont proposés à tous ceux qui le souhaitent, dans toutes les filiales du groupe.  

Autre initiative qui a fait des émules : depuis longtemps SafeBrands avait mis en place une prime de cooptation destinée à ses collaborateurs qui aidaient à dénicher la perle rare quand un poste était disponible. Une fois la période d’essai terminée (si cette dernière était convaincante), le collaborateur à l’origine du recrutement touchait une prime. CentralNic a repris le concept avec une prime ‘Referral’. Comme le dit Frédéric avec un humour très british : « le monde peut parfois progresser grâce aux Français qui râlent » …

Plus anecdotique, mais sympathique, les collaborateurs de SafeBrands ont découvert avec joie au moment de cette fusion qu’ils auraient tous un jour de congé pour leur anniversaire. Au niveau RH, “les britanniques assurent” reconnaissent-ils, même si dans ce domaine SafeBrands a également été plutôt précurseur.

En tout cas, près de deux ans plus tard, quel bilan dresser de ce rapprochement ? Les problèmes de trésorerie ne sont plus aujourd’hui une obsession, de nouveaux outils plus efficaces se profilent et SafeBrands remporte régulièrement de nouveaux appels d’offres. Frédéric peut désormais s’appuyer sur des spécialistes du marketing. Les synergies ont du bon ! Il apprend à déléguer, lui qui, avec Charles, avait l’habitude de beaucoup centraliser. « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin »…Le groupe CentralNic s’est par ailleurs approprié leur technologie de surveillance qu’il vend désormais dans le monde entier. Sacré motif de satisfaction pour l’entreprise et beau rayonnement pour le Made in France. 

Et quid des clients ? Ils n’ont pas vraiment vu la différence et c’est tant mieux. Charles leur a écrit pour leur dire au revoir et Frédéric pour leur expliquer qu’il devenait le nouveau boss. Le suivi des dossiers et la satisfaction clients restent l’ADN et la priorité. 

Frédéric, en tant que CEO, gère désormais le business seul, sans son complice de 25 ans. Il avoue qu’il a été tellement occupé après la cession qu’il n’a pas eu trop le temps d’avoir d’états d’âmes, mais reconnaît que son binôme lui manque parfois. Il se surprend même de temps en temps à penser et à réagir comme son ex-complice. Ça l’amuse d’ailleurs. Qui l’eut cru !… « Bel hommage » répond Charles.  Pourtant nous n’étions pas toujours d’accord et je n’étais pas toujours facile à vivre !»

Charles qui, lui, reconnait qu’il dit encore parfois « nous » quand il parle de l’entreprise. Il ne cache pas le sentiment de vide ressenti en abandonnant le binôme qu’il formait avec Frédéric. Il a, comme prévu, changé de vie et s’épanouit sous d’autres cieux et dans d’autres activités, mais continue à suivre d’un œil l’évolution de son « bébé », même s’il a entière confiance en Frédéric. Après 25 ans de vie commune, pas question de couper les ponts. Tous les deux ont toujours plaisir à se voir quand Charles est de passage en France. 

Avant de mettre un point final à cette saga, Frédéric et Charles tiennent à remercier tous ceux qui les ont accompagnés de près ou de loin pendant ces 25 ans. « Merci d’avoir embarqué dans notre histoire. Merci à tous ceux qui ont permis d’alimenter cette belle aventure grâce à leur énergie. Merci aux clients pour leur confiance. Merci d’avoir compris nos valeurs et notre éthique. Merci aux collaborateurs de la première à la dernière heure. Merci pour ces soirées mémorables improvisées à chaque fois qu’on décrochait un nouveau contrat ».

Avant de finir votre lecture, voici deux mots des fondateurs. 

Frédéric rajoute ces quelques lignes : 

“Ces remerciements sont très corporate, et finalement très adaptés à une publication, une diffusion large. Mais il leur manque un peu de l’ADN de MailClub.  Cette personal touch que Charles faisait ressortir dans ses vœux de Noël, avec des pensées métaphysiques et des opinions affichées, à l’opposé de ma vision de la neutralité d’une entreprise (en dehors de ses actes). Mais que dire sans devenir trop sensible ? Ces années – et ce n’est pas fini pour moi – ont été un fantastique voyage à travers les technologies, l’humain et moi-même. Et la raison ? C’est Charles en me disant :  viens bosser, je n’ai pas d’argent pour te payer, en 1998. Et toutes les personnes croisées au cours du voyage. Nos complicités, nos incompréhensions, nos accords, nos remises en question, nos désaccords, merci à vous tous. En avant pour les 25 prochaines années ! “

Et Charles ? 

“Donc si j’ai bien compris, c’est à moi que revient le mot de la fin ! Alors je vais commencer par remercier Isabelle, qui a été une sorte de psy de couple pour Fred et moi. Quel plaisir de se replonger dans toute notre histoire, notre vie commune. Et cela n’aurait pu se faire sans ton écoute et la compréhension parfaite que tu as eue de notre histoire. Je réponds toujours la même chose quand on me demande un bilan de ces 25 ans : on a fait des trucs vraiment bien, on a aussi bien merdé parfois, on est totalement imparfaits, pas forcément les entrepreneurs de l’année, mais… on s’est bien marrés ! Et je crois qu’au bout du compte, avec nos côtés potaches un peu immatures la cinquantaine passée, c’était ça qui nous a plu. Apprendre en avançant, garder nos valeurs, créer une équipe, créer des emplois, remplir notre mission et chaque jour avoir du plaisir. Pas carrés pour un sou, pas une seconde serial entrepreneurs, la saga SafeBrands a été à l’image de nous et de ce binôme entre un ex-punk et un ex-trader : surprenante. On a été des précurseurs dans l’internet, SafeBrands est né avant Hotmail, avant Google ! On a vu tout se construire sous nos yeux… Normalement on aurait dû devenir milliardaires, ou se planter… ni l’un ni l’autre…atypiques jusqu’au bout, nous avons sans doute eu l’une des croissances les plus faibles des boites internet nées avant 2000 et tjs vivantes aujourd’hui !!

Mais… on s’est vraiment bien marrés. Alors oui, les noms de domaine ne me manquent pas une seconde, mais Fred me manque, les collègues me manquent, le bureau, que j’avais le confort de pouvoir fréquenter quand bon me semblait, me manque (moins) et de cette aventure ne resteront que des bons souvenirs. Merci Fred de m’avoir supporté, d’avoir vécu mes hauts et mes bas et ma versatilité en restant stoïque et d’avoir tenu la baraque durant 25 ans. Ton flegme est parfait pour un groupe British ! Longue vie à SafeBrands 2.0, et comme le disait le commissaire Bourget à son fidèle adjoint Charolles, “en route vers de nouvelles aventures” (Marcel, si tu nous regardes…).”

Merci aussi à vous, lecteurs, d’avoir suivi cette saga. J’espère que vous y aurez pris autant de plaisir que nous. A très vite pour d’autres aventures !

Merci à Isabelle Millet pour son travail et sa patience. Retrouvez la pour vos mémoires sur : http://www.isabellemillet-biographe.fr