Aujourd’hui, Mailclub vous propose un commentaire de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 13 février 2013, au sujet des Sociétés « RENT A CAR » et « RENT A CAR CLASSIC ». Les commentaires Mailclub apparaissent en italique.
Appelante : la Société « RENT A CAR »
La Société « RENT A CAR » a pour activité la vente, l’achat, la location de voitures sans chauffeur et de tous véhicules de livraison. Elle constitue, en France, le troisième réseau de location de véhicules. Elle possède la dénomination sociale, le nom commercial et l’enseigne « RENT A CAR » ainsi que les noms de domaine « rentacar.fr » et « rentcar.fr ».
La Société « RENT A CAR » détient également des marques enregistrées comprenant le signe « RENT A CAR ». Néanmoins, cette marque correspond à la désignation générique, usuelle et nécessaire des produits et services qu’elle propose. En effet, cette société propose des services de location de voiture dont la traduction anglaise est littéralement « rent a car ». Elle ne pouvait donc se permettre de s’appuyer judiciairement sur sa marque qui aurait alors encourue une éventuelle nullité.
Intimée : la Société « RENT A CAR CLASSIC »
Par constat d’huissier en date du 13 mai 2009, la Société « RENT A CAR » a fait constater l’existence d’un nom de domaine « rentacarclassic.fr » donnant accès au site Internet d’une Société dénommée « RENT A CAR CLASSIC ». Celle-ci exploite un fonds de commerce de location de véhicules sans chauffeur, et notamment de véhicules anciens, historiques ou de collection. Elle possède la dénomination sociale et le nom commercial « RENT A CAR CLASSIC » ainsi que les noms de domaine suivants : « rentacarclassique.fr », « rentacarclassique.com », « rentacarclassique.org », « rentacarclassique.net » et « rentacarclassique.co.uk ».
Il apparaît ainsi que les parties à la procédure possèdent des activités connexes, voire similaires, et détiennent toutes deux des noms de domaine comprenant les termes « RENT A CAR » ; ce qui est de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute moyen, souhaitant acquérir des produits ou des services « RENT A CAR ».
Mise en demeure effectuée par l’appelante
Le 29 mai 2009, la Société « RENT A CAR » a mis en demeure la Société « RENT A CAR CLASSIC » de modifier sa dénomination sociale et son nom commercial, d’abandonner les noms de domaine litigieux et de s’engager à ne plus jamais adopter, à titre de signe distinctif, d’appellation contenant les mots « RENT A CAR ». A cette date, elle a également mis en demeure l’hébergeur de faire cesser la diffusion de ce site sur le réseau Internet.
La mise en demeure apparaît comme un prérequis avant l’exercice de toute procédure contraignante.
Gel des noms de domaine
Par courrier en date du 10 juin 2009, l’hébergeur l’a informé du gel des noms de domaine litigieux suivants : « rentcarclassic.net », « rentcarclassic.org » et « rentcarclassic.co.uk », à l’exception du nom de domaine « rentacarclassic.fr » qui nécessitait la notification d’une décision de justice.
En effet, selon l’article 6.1 de la Charte de nommage de l’AFNIC, le gel d’un nom de domaine en « .fr » est préalablement soumis à la notification d’une décision de justice.
Exercice d’une procédure judiciaire en référé
Pour se défendre et faire régner ses droits, la Société « RENT A CAR » a alors engagé une procédure en référé pour trouble manifestement illicite du fait d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Les titulaires de marques viennent souvent à s’interroger sur la procédure à adopter en cas d’utilisation et d’exploitation frauduleuses de leur(s) marque(s). Celle-ci varie selon les cas d’espèces, fonction des signes litigieux en présence, de l’atteinte qui leur est portée et de l’urgence quant à la récupération du ou des noms de domaine.
Ainsi, plusieurs hypothèses doivent être envisagées :
La récupération amiable
Tout d’abord, si le titulaire ne possède pas de droit ni d’intérêt légitime à exploiter le nom de domaine litigieux, la victime peut tenter une récupération amiable par la mise en avant de ses droits.
Le rachat
En cas d’échec de la procédure, ou lorsque le titulaire possède un droit ou un intérêt légitime sur ledit nom, la victime peut proposer au titulaire un rachat.
Ces deux premières hypothèses sont souvent conseillées par le département juridique du Mailclub car elles permettent une récupération prompte du nom de domaine, d’autant plus que l’identification du cybersquatteur n’est pas toujours chose aisée. En effet, en Chine ou en Russie, par exemple, les cybersquatteurs ont pour habitude de se cacher derrière de fausses identités de personne physiques et morales.
La procédure extra-judiciaire
La victime peut également décider d’agir par le biais d’une procédure administrative de résolution des litiges (ou procédure extra-judiciaire), par exemple s’il estime que le prix proposé par le titulaire est trop élevé.
Cette procédure est envisagée différemment selon les pays, ceux-ci n’étant d’ailleurs pas forcés d’en mettre un en place. Si l’on prend l’exemple de la procédure UDRP (pour Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine), adoptée par toutes les unités d’enregistrement accréditées pour les noms de domaine finissant en « .com », « .net », « .org » et par certains administrateurs de domaines de premier niveau qui sont des noms de pays (ccTLD), comme le « .nu », « .tv » ou « .ws », le requérant va devoir apporter la preuve de trois conditions cumulatives pour pouvoir en bénéficier :
1. Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits,
2. Le titulaire n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,
3. Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Si ces conditions sont réunies, la victime va pouvoir bénéficier d’une procédure rapide (environ deux mois) et relativement peu coûteuse (1.500 $) qui lui permettra de demander la suppression ou le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.
La procédure judiciaire
Enfin, la victime peut décider d’avoir recours à une procédure judiciaire.
Contrairement aux autres procédures, celle-ci est intéressante en ce qu’elle permet de réclamer des dommages et intérêts au cybersquatteur. De plus, outre la suppression ou le transfert du nom de domaine litigieux, elle permet de réclamer la suppression du ou des sites associés, le changement de la dénomination sociale, du nom commercial et de l’enseigne du défendeur, ainsi que la publication de la décision dans des journaux et revues.
Néanmoins, cette procédure possède des inconvénients de taille. En effet, il s’agit d’un processus long et coûteux, d’autant plus long si le « perdant » fait appel du jugement rendu et exerce ensuite un pourvoi en cassation. Une procédure judiciaire prend souvent des années afin d’être entièrement résolue. C’est la raison pour laquelle elle est très peu recommandée par le département juridique du Mailclub.
Incompétence du juge des référés
Par ordonnance du 14 septembre 2009, le juge des référés s’est déclaré incompétent et a opéré un renvoi devant les juges du fond.
En cas « d’urgence » ou « d’absence de contestation sérieuse », la victime a la possibilité d’agir par le biais d’une action en référé. Il s’agit d’une procédure rapide et simplifiée permettant au juge d’ordonner des mesures provisoires, telles qu’une expertise ou la suppression d’un nom de domaine litigieux. Toutefois, si les conditions du référé ne sont pas remplies, le juge des référés peut se déclarer incompétent au profit de la juridiction du fond. En pratique, il est très difficile de saisir le juge des référés qui, la plupart du temps, se déclare incompétent et, par conséquent, opèrera un rallongement de la procédure.
Dans cette hypothèse, la victime devra agir au fond, soit par le biais d’une action en contrefaçon si elle possède une marque distinctive enregistrée, soit par le biais d’une action en concurrence déloyale et parasitaire si la validité de sa marque est susceptible d’être contestée (si elle apparaît comme étant la désignation usuelle et nécessaire du produit ou du service par exemple) ou si la victime ne possède pas de marque enregistrée mais possède tout de même des signes distinctifs antérieurs au nom de domaine litigieux.
En l’espèce, la Société « RENT A CAR » a préféré agir sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, probablement par peur de voir une action en nullité engagée contre sa marque du fait de son caractère générique.
Ainsi, pour prouver l’existence d’une situation de concurrence déloyale et parasitaire, la requérante doit prouver, conformément à l’article 1382 du Code civil, l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.
Jugement de première instance du 30 septembre 2012
Par jugement du 30 septembre 2012, le Tribunal de Grande Instance de Paris a fait interdiction à la Société « RENT A CAR CLASSIC » de poursuivre ses agissements, lui a ordonné sous astreinte de changer de dénomination sociale, de transférer à la requérante les noms de domaine litigieux suivants : « rentacarclassic.com », « rentacarclassic.org », « rentacarclassic.net » et « rentacarclassic.co.uk », et de lui verser la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il a toutefois débouté la requérante de sa demande tendant à transférer le nom de domaine « rentacarclassic.fr » à son profit. C’est la raison pour laquelle la Société « RENT A CAR » a fait appel du jugement.
Arrêt d’appel du 13 février 2013
Le 13 février 2013, la Cour d’appel de Paris a estimé que l’adoption, par la Société « RENT A CAR CLASSIC » du nom de domaine « rentacarclassic.fr » était de nature à induire une confusion entre les deux sociétés dont les activités sont très proches. Qu’elle retient ainsi une faute de la part de l’intimée qui a cherché à se placer dans le sillage de la notoriété de la requérante pour développer sa propre activité et, en conséquence, a retenu un comportement constitutif de concurrence déloyale et parasitaire de la part de la Société « RENT A CAR CLASSIC ».
Par ailleurs, la Cour d’appel a infirmé le jugement déféré en ce qu’il a débouté la Société « RENT A CAR » de sa demande concernant le nom de domaine « rentacarclassic.fr » et a autorisé l’appelante à demander directement à l’AFNIC le transfert du nom de domaine à son profit.
En outre, la juridiction d’appel a relevé, suite à la transmission d’un message électronique de l’AFNIC en date du 06 novembre 2012, que, malgré le jugement précédemment rendu, la Société « RENT A CLASSIC CAR » a continué à poursuivre de manière déguisée ses activités à travers un site Internet « RENT A CLASSIC CAR », accessible aux adresses suivantes : www.rentacarclassic.com et www.rentaclassiccar.com, les noms de domaine « rentacarclassic.com », « rentacarclassic.net », « rentacarclassic.org » et « rentacarclassic.co.uk », renvoyant tous vers l’adresse www.rentacarclassic.com.
En conséquence, elle a ordonné la fermeture du site Internet « RENT A CLASSIC CAR » et le transfert des noms de domaine « rentaclassiccar.net » et « rentaclassiccar.fr » à la Société « RENT A CAR ».
Dans ce cas d’espèce, la procédure judiciaire a a priori donné satisfaction à la victime puisqu’elle lui a octroyé, outre la fermeture des sites « RENT A CAR CLASSIC » et « RENT A CLASSIC CAR », le transfert des noms de domaine litigieux et le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Il reste toutefois que le processus est long…très long…
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Article écrit par Myriam Gribelin
Myriam est juriste au sein du département juridique du Mailclub. Titulaire d’un Master 1 Droit Économique et des Affaires ainsi que d’un Master 2 Droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies, elle maîtrise les problématiques liées aux marques et aux noms de domaine. Elle est joignable par mail à legal@mailclub.fr pour tout renseignement sur les services proposés par son département.
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