Assez souvent, le contrat de licence de marque intervient dans le cadre d’un contrat de distribution. La licence s’entend comme un contrat par lequel le titulaire d’une marque confère à un tiers, le licencié, le droit d’apposer ladite marque sur ses propres produits et/ou d’en faire un usage commercial. Il prévoit généralement certaines clauses permettant aux distributeurs d’exploiter les marques de l’initiateur du réseau, son partenaire. Il n’est donc pas titulaire mais simple utilisateur de la marque.
Pas de formalisme obligatoire
En théorie, le contrat de licence doit pouvoir être donné oralement. Toutefois, la loi impose son inscription au registre de l’Institut National de la Propriété Industrielle pour être opposable aux tiers. Il apparaît ainsi que la rédaction d’un contrat soit rendue nécessaire. Le problème est que le contrat de licence échappe à tout formalisme légal.
Vigilance particulière du titulaire de la marque
Le titulaire de la marque doit donc faire très attention lors de la rédaction du contrat et doit être particulièrement vigilent lors de la délimitation du champ contractuel. Il faut savoir que tous les actes non couverts par l’autorisation sont constitutifs de contrefaçon. En effet, l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle prohibe, sans autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; ou l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Le contrat doit donc bien préciser les obligations de chacune des parties et doit délimiter de façon précise l’autorisation d’exploitation qui a été accordée au distributeur.
Il est de ce fait conseillé au licencié, lors de la rédaction du contrat, de prévoir une clause selon laquelle en cas de rupture des relations commerciales le distributeur ne pourra plus utiliser sa marque et ce sous quelque forme que ce soit. Les marques peuvent être exploitées de différentes manières. Les distributeurs peuvent décider de s’en servir à titre de dénomination sociale, de nom commercial, d’enseigne, de slogan ou encore de nom de domaine.
L’arrêt du 8 janvier 2013 penche en faveur du licencié
C’est en ce sens qu’a statué la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 8 janvier 2013. En l’espèce, la Société ELECTRA BICYCLE COMPANY LLC, société de droit américain, fabrique et commercialise des bicyclettes haut de gamme et est titulaire de la marque « ELECTRA BICYCLE COMPANY ». Celle-ci vise la France et désigne notamment la classe 12 comprenant des « bicyclettes et éléments de bicyclettes ». Elle est également propriétaire du nom de domaine electrabike.com. Enfin, elle a pour filiale la Société de droit allemande ELECTRA BICYCLE COMPANY GmbH. Cette dernière commercialise ses produits en Europe et est titulaire d’une licence de la marque « ELECTRA BICYCLE COMPANY » et du nom de domaine elektrabike.de.
Avec l’accord de ces deux Sociétés, suite à la conclusion d’un contrat de distribution, la Société R+ SARL, exerce ses activités sous l’enseigne « R+ – ELECTRA BICYCLE France », commercialise des bicyclettes ELECTRA et exploite le nom de domaine elektrabike.fr.
En décembre 2010, les Sociétés américaine et allemande ont notifié à la Société française R + la fin de leurs relations contractuelles, ce qui n’a pourtant pas empêché la Société R+ de continuer à exploiter le nom de domaine electrabike.fr. La Société R+ a continué d’utiliser ce nom de domaine pour permettre l’accès à un public français. Pour ce faire, elle a décidé d’effectuer une redirection à partir du site elektrabike.fr vers son propre site Internet United Cruiser pour y vendre des produits du même nom ; certains semblant être la copie conforme des produits vendus par les Sociétés ELECTRA.
Les Sociétés ELECTRA ont alors mis en demeure la Société R+ de procéder au transfert du nom de domaine litigieux à leur profit avant de l’assigner en justice pour contrefaçon.
Pour la Cour d’appel, d’une part, le vocable ELECTRA est fortement distinctif et attractif et retient la curiosité du consommateur français d’attention moyenne. Son attachement aux termes BIKE (aisément compris comme bicyclette) et COMPANY (aisément compris comme entreprise) n’est pas de nature à restreindre le risque de confusion. Ainsi, à l’évidence, la reprise par la Société R+ de l’élément distinctif ELECTRA, imitant la marque antérieure, porte à confusion, que ce soit visuellement, phonétiquement et intellectuellement. D’autre part, le fait que la Société R+ continue d’exploiter le nom de domaine elektrabike.fr en effectuant une redirection vers son site United Cruiser créée un risque de confusion manifeste dans l’esprit du public français.
En conséquence, les juges d’appel, confirmant la décision de la juridiction de premier degré, ont condamné la Société R+ du fait de ses actes de contrefaçon et lui ont notamment enjoint de transférer le nom de domaine litigieux aux requérantes.
Résultat : en cas de rupture des relations contractuelles avec son licencié, le distributeur ne peut plus utiliser le nom de domaine de celui-ci
Un distributeur ne peut donc plus utiliser le nom de domaine de son partenaire à partir du moment où les relations contractuelles avec le licencié ont été rompues ; et ce même s’il effectue une redirection à partir du site litigieux vers son propre site Internet et même si l’arrêt d’exploitation ce n’a pas été expressément prévu par le contrat de licence.
Même si cela ne peut garantir la cession automatique par le licencié ou distributeur à échéance de ses relations contractuelles avec le titulaire de la marque, il est fortement conseillé d’intégrer des dispositions dans la convention encadrant les relations commerciales, afin de prévoir les conditions d’utilisation et de rétrocession du/des nom(s) de domaine. Ces dernières permettront de lever toute ambiguïté éventuelle sur la nécessaire rétrocession.
——————————————————————————————-
Article écrit par Myriam Gribelin
Myriam est juriste au sein du département juridique du Mailclub. Titulaire d’un Master 1 Droit Économique et des Affaires ainsi que d’un Master 2 Droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies, elle maîtrise les problématiques liées aux marques et aux noms de domaine. Elle est joignable par mail à legal@mailclub.fr pour tout renseignement sur les services proposés par son département.
– Les détails de la gamme Récupération du Mailclub, cliquez ici
– Les détails de la gamme Surveillance du Mailclub, cliquez ici