S’achève en cette fin de semaine le sommet ICANN édition 60, se déroulant à Abu Dhabi. Nous étions présents comme à notre habitude afin de rencontrer les acteurs de l’industrie, mais aussi participer et suivre les évolutions de politiques de nommage.
Nous vous proposons ainsi de parcourir les sujets principaux ayant occupés chacun, durant cette semaine de réunions et de débats intense.
RGPD : le régime de protection des données en Europe
C’est une thématique qui concerne tous ceux qui récoltent des données personnelles relatives à des ressortissants européens. L’entrée en mai prochain du nouveau réglement est connu de certains, ne semble pas signifier grand-chose pour d’autres, alors qu’elle aura bien un impact conséquent pour chacun.
L’ICANN a attendu de son coté un certain temps les remontées de sa communauté, sans grande proactivité. Néanmoins cette semaine le CEO de l’ICANN Göran Marby, a participé à plusieurs commissions pour finalement communiquer en cette fin de semaine sur les points suivants :
– L’ICANN accepte, tout en y étant en toute hypothèse contrainte, de permettre aux registrars de rester en conformité avec la loi européenne du moment que ces derniers peuvent justifier de l’applicabilité du règlement GDRP aux données qu’il traitent. Une déclaration plus formelle devrait être publiée ce vendredi 3 novembre.
– L’ICANN a également décidé de reporter de six mois la nouvelle politique de gestion des Whois, dénommé désormais « Thick Whois ».
Il a fallu de nombreux échanges, lettres, de la part des registrars afin qu’une décision permettant de trancher cette problématique de conformité puisse être prise. L’ICANN est un organe de gouvernance multipartite et ainsi chacun participe à l’élaboration de son modèle de gouvernance. Mais dans de tels cas la direction, appuyée par des conseils externes, doit décider, afin de donner une direction de travail permettant de résoudre ce type de conflits internationaux.
Séquestre de données
Chaque registre ainsi que chaque registrar doit procéder au séquestre des données Whois qu’il détient (coordonnées du titulaire d’un nom de domaine, des contacts associés, etc…) auprès d’un organisme tiers.
Cette initiative avait été mise en place afin de parer à toute problématique d’identification de titularité des noms de domaine gérés par un prestataire, en cas de disparition de celui-ci. En effet il y a bien des années plusieurs incidents avaient eu lieu entrainant des casses têtes conséquents aux fins d’identification des contacts associés aux noms de domaine gérés par un prestataire ayant brutalement mis la clef sous la porte.
Ainsi chaque registrar par exemple, doit transmettre une copie de ses données à une société désignée. Afin de simplifier les transactions l’ICANN avait accrédité un prestataire de séquestre, habilité à réceptionner et conserver ces données moyennant des critères de sécurité stricts.
Cette procédure est gratuite auprès d’un seul prestataire cependant, basé sur le sol américain, reliquat du contrôle du gouvernement US sur la gouvernance internet.
Plusieurs débats ont eu lieu autour de cette thématique :
– L’harmonisation de la procédure de séquestre des registres et des registrars,
– La nécessaire ouverture de cette procédure prise en charge par l’ICANN à d’autres prestataires. Le règlement GDRP ajoute de l’huile sur le feu car les prestataires européens souhaiteraient pouvoir utiliser les services d’un prestataire dépendant directement de leur juridiction. Plusieurs offres ont été reçues et sont en cours d’analyses. Le but des registrars européens étant d’obtenir une alternative avant ou pour mai prochain, date d’entrée en vigueur du nouveau règlement.
Whois privé et anonymisation
Un programme régulant l’accréditation de prestataire habilités à fournir ce type de services a été publié et doit désormais être lu et discuté par la communauté. Actuellement, la fourniture de ces services n’est pas régulée. Le but étant désormais de fixer un cadre précis quant à la possible commercialisation d’un tel service, et les modalités conséquente de gestion et de divulgation des données masquées.
Libération des enregistrements de noms de deux caractères et noms géographiques
Le sujet continue de faire débat. L’ICANN actant sur le principe une libération des noms de domaine de deux caractères. Cependant alors que certains États ne sont pas contre, d’autres tels que la France s’y opposent fermement. La problématique n’est donc pas encore tranchée !
Nouvelles extensions et « second round »
De nombreux travaux d’analyses se poursuivent afin de passer en revue la pertinence de la procédure ainsi que de ses mécanismes, établis lors de la première phrase d’ouverture. Des discussions ont lieu afin de savoir par exemple :
– Quel pourrait être le cout d’une candidature ? Rien n’est pour le moment décidé mais il semble que l’on s’oriente dans tous les cas vers la fixation d’un montant inférieur (100 000 USD ou moins),
– Est-ce que les phases de sunrises ont représenté la solution adéquate autorisant les titulaires de marques à protéger leurs droits ? Les couts de ces phases prioritaires doivent-ils être régulés / plafonnés ?
– La TMCH a-t-elle tenu le rôle escompté ?
Une étude réalisée par l’association INTA auprès de ses membres titulaires de marques et dont SafeBrands est un membre actif), indique que 92 % des enregistrements réalisés dans le cadre des nouvelles extensions l’ont été à titre défensif.
En aparté, c’est justement pour de telles raisons que les conseils dispensés par SafeBrands, ont pour objectif d’offrir une rationalisation de gestion de portefeuilles de noms de domaine, en axant par exemple les suggestions d’enregistrements de nouvelles extensions uniquement sur celles qui paraissent fondamentalement pertinentes pour la marque, ou entrainent parfois un risque majeur critique en raison de leur popularité.
Et Il ne faut pas oublier en parallèle la nécessaire utilisation des noms de domaine détenus, également sous les nouvelles extensions qui peuvent représentent de formidables opportunités d’exploitations originales et innovantes.
– L’URS est-elle adaptée ? Pour le moment l’étude est en cours. Les travaux se focalisent plus sur l’URS que sur le système UDRP (plus ancien et applicable à tous les gLTDs) et que nombreux ont peur de voir évoluer.
Quelques statistiques sur l’URS (entre juin 2014 et 2017) :
– 748 décisions portant sur 1729 noms de domaine,
– 2.31 noms de domaine concernés en moyenne dans le cadre d’une affaire donnée,
– 212 extensions différentes ayant fait l’objet d’une décision,
– 1621 noms de domaine (93.7ont été suspendus. 56 (3.2%) demandes ont été refusées,
– 1444 (83.5%) noms de domaine ont été analysés dans le cadre de décisions classiques ayant conduits au blocage du nom, parce que le titulaire ne s’est pas donné la peine de répondre.
Il est à noter que l’URS n’est pas non plus nécessairement la solution lorsque l’on est confronté à des cas d’atteintes manifestes, car des actions plus rapides proposées par SafeBrands peuvent très fréquemment être entreprises.
Allocation des fonds issus des enchères
Nous vous en avions parlé dans nos colonnes suite au précédent sommet ICANN. Le débat se poursuit autour des méthodes de libération et d’utilisation des fonds recueillis par l’ICANN à l’issue des enchères tenues afin de départager les candidats multiples demandant l’attribution de la même extension.
Et puis…
Des problématiques de fonctionnement internes ont également été discutées telles que la réforme des statuts de la commission des registrars ou encore, les différentes possibilités de votes et leur régulation, dans l’optique d’éviter tout conflit d’intérêt entre des structures qui auraient des intérêts divers via différentes participations… De nombreux débats auxquels tout intéressé est invité à participer afin de ne pas être confronté à des évolutions contraires à ses souhaits.