Alors que beaucoup de sites d’actualité ont relayé l’information concernant le site « toutpourlafrance.net » renvoyant vers la page d’Amazon dédié aux nains de jardin, SafeBrands a décidé d’approfondir la stratégie numérique déployée par les divers prétendants du parti « Les Républicains » à la présidentielle 2017.
Comment les candidats républicains ont-ils géré leur stratégie de noms de domaine ? Quels sont les bons élèves et les moins compétents ? A quel type de cybersquatteur avons-nous affaire ?
Qui serait élu président en 2017 si l’on se base sur la stratégie des noms de domaine ?
Internet est devenu l’outil de communication indispensable pour tout candidat souhaitant se présenter à des élections. En revanche, les stratégies numériques adoptées sont aléatoires, et la campagne 2017 en est un bon exemple même.
Le Winner : Bruno Lemaire
Le premier de la classe n’est autre que Bruno Lemaire. Avec un portefeuille d’une centaine de noms de domaine et sa centralisation, le candidat a su s’entourer d’une équipe ayant conscience de l’importance de l’e-réputation et de la protection de son nom sur la toile. En effet, l’image de marque de Bruno Lemaire est parfaitement gérée, aucun nom de domaine ne va à son encontre.
Autre point positif : le candidat ne s’est pas restreint au simple .COM et .FR. Son portefeuille intègre autant des extensions génériques (ORG NET INFO) que des ccTLDs (BE et EU, dans l’optique d’approcher les expatriés français dans les pays européens) et un new gTLD (XYZ) ont été déposées.
Bruno Lemaire est le candidat le plus jeune parmi les candidats républicain. Sa « jeunesse » est peut-être un élément lui permettant d’avoir une meilleure prise de conscience d’Internet et de ses enjeux
Les élèves moyens
La stratégie de François Fillon est quasi parfaite : sur la cinquantaine de noms de domaine comprenant les termes « françois » « fillon » « 2017 », 32 sont détenus par le candidat. Concernant les 25 autres noms déposés par des tiers, aucun domaine ou contenu ternissent l’image du candidat. A la surprise générale, des noms de domaine à fort potentiel sont toujours disponibles. Le seul reproche à faire dans la stratégie menée par l’équipe Fillon : un portefeuille décentralisé !
Alain Juppé arriverait en 3e position avec une stratégie similaire à celle de François Fillon mais un portefeuille moins conséquent.
Les « peut mieux faire »
Les autres candidats comme Jean François Copé, Hervé Mariton, Nadine Morano et NKM possèdent chacun un portefeuille de 10 noms de domaine. Les domainers et les cybersquatteurs ne voyant aucun potentiel à tirer, l’image de ces personnalités restent intactes.
L’outsider : Nicolas Sarkozy
Contre toute attente, l’équipe de communication de Nicolas Sarkozy n’a aucune stratégie en matière de noms de domaine : la notion d’e-reputation est inexistante. Pourtant, l’ex-président n’en est pas à sa première campagne et connait la mécanique. Mais la réalité est tout autre sur Internet.
Après analyse, les domainers et les cybersquatteurs s’en donnent à cœur joie : sur 215 noms de domaine contenant son nom, seulement 9 sont détenus par le candidat ! Le reste étant majoritairement détenu par des domainers et des cybersquatteurs. Quelques groupes de soutient ont déposé des noms mais aucun site n’est actif.
En se basant sur ces simples données, le taux de « notoriété » de Nicolas Sarkozy pourrait être calculé. Autre indicateur significatif de l’image négative du candidat : le choix de l’extension. Elle est plus explicite que le nom en lui-même : .TOP (utilisation ironique), .LOL, .FAIL. Qui osera déposer sarkozy2017.sucks ?
La politique : un business alléchant pour les cybersquatteurs
La médiatisation et la notoriété d’un candidat sont deux critères sur lesquels les cybersquatteurs se baseraient. Plus la personne est médiatisée et renvoie une image négative, plus il y a des chances que vous soyez la cible de personnes mal intentionnées sur Internet.
Alors que le marché des noms de domaine avec des extensions génériques commençaient à saturer, l’arrivée des new gTLDs a été une aubaine pour les cybersquatteurs. En effet, ces derniers ont tiré profit de cette nouvelle opportunité et des prix low cost pratiqués par certains registrars. A quel type de cybersquatteur avons-nous affaire ? Il s’agit de la loi des 3P : Profiteur, Parieur et Plaisantin
Les profiteurs
Les profiteurs, ou appelés communément domainers, ont pour politique d’acheter des noms de domaine à fort potentiel dans l’optique de les revendre en faisant une plus-value auprès des personnes physiques ou morales susceptibles d’être intéressées.
SEDO, le site officiel de revente de noms de domaine, prouve que les domainers espèrent tirer profit des noms de domaine concernant nicolas sarkozy 2017 avec des sommes s’élevant jusqu’à 10 000€.
Les plaisantins
Nicolas Sarkozy est une parfaite cible pour les cybersquatteur de type plaisantin. Le meilleur exemple n’est autre que le nom de domaine « toutpourlafrance.net » – slogan de Sarkozy. En le tapant dans la barre URL, vous êtes automatiquement redirigé vers le géant du e-commerce Amazon, à la rubrique……. nains de jardins ! Le cybersquatteur a poussé la plaisanterie jusqu’aux coordonnées indiquées dans le WHOIS :
- le nom de domaine avait été déposé par un certain de Twolv Erine (référence X-Men) ;
- une adresse physique inexistante et moqueuse (18 rue de la fumisterie dans la ville de Gland).
Au moment des faits – fin août 2016, ces informations étaient exactes mais elles ont été mises à jour depuis.
Les exemples allant à l’encontre de Nicolas Sarkozy ne manquent pas :
- Sarkozy2017.com centralise toutes les affaires judiciaires où il serait impliqué
- Sarkozy2017.fr diffuse en homepage une photo peu valorisante.
- President-sarkozy.xyz : faisant référence au Fouquet’s
Les parieurs
Anticiper est le maitre mot des cybersquatteurs et la date d’enregistrement est un bon indicateur. Pour la campagne de 2017, des noms avaient été déposés dès 2011 : c’est le cas pour le domaine sarkozy2017.fr, alors que Nicolas Sarkozy était toujours Président de la République (mai 2007 à mai 2012).
D’autres sont plus pessimistes sur l’avenir du candidat. Au cas où Sarkozy ne gagnerait pas les élections de 2017, un cybersquatteur a d’ores et déjà déposé sarkozy2022.fr (enregistré en 2013).
Maintenant que les préparatifs aux présidentielles 2017 ont bien démarré, il faut observer s’il y a changement dans la stratégie actuelle, ou bien encore, si les cybersquatteurs « profiteurs » font monter les prix des noms de domaine à la revente.
Les extensions dédiées à la politique
En tant que conseillers en communication d’homme politique, les équipes devraient être informés de l’existence des nouvelles tendances Internet dont les nouvelles extensions font partie. Avec le nouveau programme ICANN lancé en 2012, des extensions dédiées au monde politique ont vu le jour : VOTE, VOTO, VOTING, DEMOCRAT, REPUBLICAN.
Idéal pour afficher clairement son parti, le .DEMOCRAT et le .REPUBLICAN est plutôt destiné à la politique américaine. Après analyse, les hommes politiques américains ne sont pas attirés par ces nouvelles extensions, préférant le traditionnel .COM. Les noms de domaine en .REPUBLICAN et/ou .DEMOCRAT ont trouvé un autre public : les cybersquatteurs et les domainers, avec bush2016.com
Aux Etats-Unis, il arrive que la fiction rejoigne la réalité. Dans l’excellente série HOUSE OF CARDS, le candidat Frank Underwood – interprété par Kevin Spacey – fait campagne pour les présidentielles 2016 avec la présence d’affiches FU2016.COM. Pour donner plus de crédibilité au personnage, les scénaristes de la série sont allés au bout du processus en déposer les noms de domaine FU2016.COM avec un site actif et UNDERWOOD2016.COM.
Frank Underwood – FU2016 – House of Cards
Et qu’en est-il des socialistes ? Affaire à suivre…