Le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI a rendu une décision D2012-2455 de rejet fort intéressante en matière de noms de domaine le 14 février 2013, opposant la Société EYEMAGINE TECHNOLOGY LLC, la plaignante, à la Société CLOUGH CONSTRUCTION, la défenderesse.
Etat de la plaignante
La plaignante fait valoir la possession de plusieurs nom s de domaine et de marques enregistrées comprenant le signe « EYEMAGINE » et notamment :
– La marque semi-figurative EYEMAGINE n°3721736,
– La marque verbale EYEMAGINE n°4241070,
– La marque n°85578861,
Cette Société exerce ses activités dans le milieu du e-Commerce innovant et propose principalement des services de publicité et de marketing.
Etat de la défenderesse
La défenderesse possède les noms de domaine suivants :
– « eyemagine.com »,
– « eyemagine.info »,
Il apparaît ainsi que les noms de domaine de la défenderesse sont identiques aux marques de la plaignante, d’où l’engagement de la procédure UDRP par cette dernière.
Les arguments de la défenderesse
Pour sa défense, la Société CLOUGH CONSTRUCTION fait valoir qu’elle a enregistré le nom de domaine « eyemagine.com » en 1996 et qu’elle l’exploite depuis cette date à travers un site commercial actif. De plus, elle a enregistré son nom de domaine « eyemagine.info » en 2010, avant la plainte de la Société EYEMAGINE, et elle possède également un business plan pour le développement d’un réseau social spirituel qu’elle exploitera par le biais de ce nom de domaine.
Ainsi, la défenderesse démontre que la plaignante a tardé à engager sa procédure, compte tenu du délai existant entre l’enregistrement des noms de domaine litigieux et l’engagement de la procédure UDRP.
Elle argue également que les marques de la requérante ne lui permettent pas de se prévaloir de droits exclusifs sur le signe « EYEMAGINE ». Selon elle, la marque n°3721736 n’est plus exploitée puisque la plaignante utilise depuis des années un nouveau logo ; la marque n°85578861 couvre en réalité les classes suivantes : MOBILE/AD/WORLD ; et la marque n°4241070 a été enregistrée et exploitée bien après l’enregistrement du nom de domaine « eyemagine.com ».
Enfin, la Société CLOUGH CONSTRUCTION fait remarquer au Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI que la marque de la plaignante n’est pas d’une grande notoriété, que cette dernière a tenté à trois reprises de lui acheter ses noms de domaine et que ceux-ci n’ont pas été enregistrés dans le but d’être vends ou loués. Selon elle, cette tentative de rachat démontre la mauvaise foi manifeste de la plaignante. C’est la raison pour laquelle le défendeur estime que la plaignante agit de manière abusive en soulevant l’argument de « Revers Domain Name Hijacking ».
Comme toujours, le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI finit par analyser les conditions requises par la procédure UDRP.
Concernant la 1ère condition « IDENTICAL OR CONFUSINGLY SIMILAR »
Pour le Centre, il est clairement établi que l’enregistrement d’une marque confère des droits exclusifs à son titulaire. Il rejette ainsi les arguments de la défenderesse qui, selon lui, sont insuffisants pour démontrer que la plaignante a abandonné ses marques et juge, par conséquent, que le requérant possède des droits exclusifs sur la marque « EYEMAGINE ».
Concernant la 2nde condition « RIGHTS OR LEGITIMATE INTEREST »
Le Centre estime que le requérant n’apporte pas la preuve de l’absence de droits et intérêts légitimes du titulaire des noms de domaine. En effet, il constate que la défenderesse exploite le domaine « eyemagine.com » et se prépare à exploiter le domaine « eyemagine.info ». De plus, le « .com » a été enregistré sept ans avant le début du litige. Ainsi, le Centre tranche en faveur de la défenderesse et estime que l’enregistrement des noms de domaine a été effectué de bonne foi, ce qui lui confère des droits et intérêts légitimes sur ces signes.
Concernant la 3ème condition « REGISTERED AND USED IN BAD FAITH »
La juridiction arbitrale affirme que le requérant n’apporte pas la preuve de la mauvaise foi de la défenderesse, rejetant ainsi sa demande de transfert des noms de domaine litigieux.
Enfin, le Centre décide d’étudier l’argument soulevé par la défenderesse concernant l’abus procédural de la plaignante.
« REVERSE DOMAIN NAME HIJACKING »
Le Centre, en estimant qu’en l’espèce la plainte a été initiée de mauvaise foi afin d’obtenir frauduleusement le nom de domaine, accueille l’argument de la défenderesse. La procédure est donc abusive.
Quelles sont les conséquences d’une procédure UDRP abusive ?
Contrairement à la procédure judiciaire dont la requalification en procédure abusive permet de réclamer des dommages et intérêts, l’abus procédural en matière d’UDRP n’entraîne aucune conséquence. En effet, comme pour la décision UDRP qui ne permet pas de demander des dommages et intérêts au titulaire du domaine, la requalification en procédure abusive ne permet pas de demander de dommages et intérêts au plaignant.
Alors finalement personne ne risque rien et on se demande bien parfois quelle est l’utilité du « reverse domain name hijacking »…
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Article écrit par Myriam Gribelin
Myriam est juriste au sein du département juridique du Mailclub. Titulaire d’un Master 1 Droit Économique et des Affaires ainsi que d’un Master 2 Droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies, elle maîtrise les problématiques liées aux marques et aux noms de domaine. Elle est joignable par mail à legal@mailclub.fr pour tout renseignement sur les services proposés par son département.
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