Le 30 mars 2015 est sortie une nouvelle extension qui interroge la plupart des registrars quant à son utilité.
Comme son nom l’indique « sucks », qui signifie « ça craint », semble avoir été mise en place pour la réservation de noms de domaine destinés aux dénigrements de toutes sortes. Afin de contrer ce type de squatting (ex : applesucks.com), de nombreuses entreprises ont prudemment déposé des domaines avec leurs marques suivies du suffixe “sucks” (ex : saintgobainsucks.com qui redirige vers le site officiel du groupe).
Notre outil de surveillance indique qu’il existe près de 45 000 domaines de ce type, à la fois des domaines squattés et des domaines déposés à titre défensif. C’est sur cette vague qu’entend surfer le .sucks.
Après analyse, notre option est claire : cette extension « craint » à tous les niveaux, notamment dans les conditions d’obtention d’un nom de domaine en .sucks.
Revenons un peu sur la mise en place de cette extension.
Au départ, Vox Populi, le registre de cette extension, avait fixé le prix de la sunrise à 25 000 USD. Devant la levée de bouclier du monde des registrars, ils ont finalement accepté de revenir à un tarif raisonnable autour de 3 000 USD. Néanmoins le coût de cette sunrise reste très élevé au regard des tarifs pratiqués pour les sunrises des autres nouvelles extensions (environ 100 USD).
Autre subtilité de cette extension, le registre a décidé la mise en place d’une liste des noms premiums qui correspond aux marques inscrites à la TMCH. Ainsi, en ouverture publique, le tarif pour la réservation puis le renouvellement de ces noms sera aussi de 3 000 USD. On voit bien ici la volonté du registre d’organiser l’extorsion en bande organisée des titulaires de marques.
Vendredi dernier le 27 mars, soit 3 jours avant l’ouverture de la sunrise, l’IPC (Intellectual Property Interests Constituency) a pris position. Cet organe qui défend les intérêts des titulaires de droits de propriété intellectuelle auprès du board de l’ICANN lui a adressé une lettre ouverte. Dans cette missive, elle demande l’arrêt de la sortie de cette extension qu’elle considère comme « une perversion et une extorsion ».
L’ICANN n’a pas encore réagi et la sunrise a pu débuter ce lundi 30 mars. Certains esprits malveillants expliquent ce silence par l’existence d’une clause financière entre l’ICANN et Vox Populi très favorable à notre organe de gouvernance américain préféré.
Au regard de ce qui précède, on peut affirmer une chose s’agissant de cette extension : « it sucks »! Mais dans l’esprit, ils ont mis en place un système qui par les tarifs pratiqués exclura de fait les titulaires de marques qui consacrent déjà d’importants budgets à la protection de celles-ci et refuseront de se faire rançonner outre mesure.
Ainsi ils laisseront le champ le plus libre possible aux tiers qui voudront s’exprimer en toute liberté sur une marque pouvant aller jusqu’au dénigrement.
Payer le prix c’est certes se protéger mais le tarif prohibitif mène à se poser la question des actions d’arbitrage type UDRP qui seront à peu près équivalentes en terme de coût. Là encore la réponse est loin d’être évidente car certains panelistes (notamment américains) en prenant en compte la racine et l’extension pour évaluer l’atteinte et se fonderont sur la sacrosainte liberté d’expression pour refuser le transfert d’un nom type « ma-marque.sucks ». A ce jour, il y a eu 100 UDRP sur des noms de domaine terminant par .sucks.com. Il y a eu 47 cas de transfert, 30 de rejet et 19 retraits de plainte. Cela signifie que la victoire n’est pas du tout assurée pour le titulaire d’une marque cybersquattée en .sucks.