Lors de l’enregistrement d’un nom de domaine, le déposant doit vérifier que cet enregistrement ne contrevienne pas aux droits des tiers. Autrement dit, il doit effectuer des recherches d’antériorité auprès des autorités compétentes (par exemple, l’Institut de la Propriété Industrielle pour la recherche de marques en France) et vérifier qu’il n’existe aucune marque, dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine ou tout droit de propriété intellectuelle antérieur identique ou similaire au nom de domaine qu’il souhaite déposer et auxquels il pourrait porter atteinte. A défaut, il sera susceptible de voir une procédure contraignante (administrative, judiciaire ou extra-judiciaire) engagée contre lui.
Un rappel nécessaire !
C’est un prérequis fondamental qui n’apparait cependant pas si évident en pratique, certains titulaires continuant de penser que, parce qu’un nom de domaine est disponible à l’enregistrement sans droit au nom, il peut être identique ou similaire à une marque tout en étant détenu et exploité légitimement sans qu’il soit nécessaire de disposer d’un droit ou d’un intérêt réellement légitime …
Ces principes ont été rappelés par la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 15 janvier 2013. En l’espèce, la société SEQUOIA soutient que l’usage, par la Société SEKOIA, de la dénomination « SEKOIA » à titre de dénomination sociale, de nom commercial, de nom de domaine constitue la contrefaçon de la marque SEQUOIA dont elle est propriétaire, ainsi qu’une atteinte à ses droits sur sa dénomination sociale et son nom commercial ; et demande, à ce titre, la suppression du nom de domaine www.sekoia.info.
Les différents moyens de défense de l’adversaire en cas de litige
Lorsque l’affaire est portée devant le Tribunal, le défendeur peut tout d’abord soulever une exception tendant à la prescription de l’action. Selon l’article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, l’action en contrefaçon se prescrit par trois ans. De plus, est irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi.
Le défendeur peut également arguer de la déchéance de la marque, soit pour dégénérescence (la marque est devenue soit usuelle soit trompeuse), soit pour défaut d’exploitation pendant cinq ans.
Le défendeur peut également prétendre que, conformément à l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, pour être enregistrée, une marque doit avoir un caractère distinctif. Il convient de préciser que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; ou encore les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur… du bien. Enfin, le caractère distinctif doit s’apprécier par rapport aux produits et services désignés dans l’enregistrement et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, en se plaçant à la date du dépôt.
Le défendeur peut également soulever qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public entre son nom de domaine et la marque du tiers.
Dans le présent cas, la Cour d’appel a considéré, au vu de l’impression d’ensemble résultant de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des dénominations en cause, renforcée par la similitude des produits et services, qu’il existait un risque de confusion entre les marques SEQUOIA et SEKOIA. Le juge se réfère alors à l’esprit du consommateur moyen normalement informé, raisonnablement attentif et avisé ne disposant pas simultanément des deux signes sous les yeux, qui peut être conduit à leur attribuer une origine commune.
Elle a ainsi estimé qu’il y avait contrefaçon de la marque SEQUOIA et a relevé un comportement déloyal de la part de la Société SEKOIA dans le choix de la dénomination sociale, du nom commercial et du nom de domaine.
La sanction peut être lourde
En cas de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale, le juge peut ordonner au « perdant » de changer sa marque, sa dénomination commerciale, son nom commercial, son enseigne, de retirer son nom de domaine… et ce, sous astreinte. Il peut également lui imposer de publier à ses frais la décision rendue dans des journaux d’annonce légale ou des revues, à verser des dommages et intérêts et à rembourser les frais d’instance engagés au « gagnant ».
Dans le cadre de l’affaire présentée, la Cour d’appel a interdit la Société SEKOIA de faire usage du terme « SEKOIA », en l’obligeant à changer sa dénomination sociale et à supprimer le nom de domaine www.sekoia.info sous astreinte, elle l’a enjoint à publier la présente décision dans trois journaux périodiques à ses frais, à verser à la Société SEQUOIA la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts et à lui rembourser les frais d’instance et les dépens qu’elle a engagés.
Un nom de domaine libre à l’enregistrement n’est donc pas pour autant libre de droits ! Et les règles de nommage imposent le respect de cette responsabilité à toute titulaire de nom, qui ne peut s’y dérober.
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Article écrit par Myriam Gribelin
Myriam est juriste au sein du département juridique du Mailclub. Titulaire d’un Master 1 Droit Économique et des Affaires ainsi que d’un Master 2 Droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies, elle maîtrise les problématiques liées aux marques et aux noms de domaine. Elle est joignable par mail à legaln@mailclub.fr pour tout renseignement sur les services proposés par son département.
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